La fabrique du commun : pratiques, réseaux, politique
Dans la continuité du contrat quinquennal qui s’achève et qui portait sur « Crise, critique et conflictualités » et dans le prolongement du colloque de clôture dédié à la crise de l’universel qui aura lieu en mars 2023, l’équipe 19-21 a élaboré un projet de recherche centré sur la question du commun et de la communauté : « La fabrique du commun : pratiques, réseaux, politique ».
En anglais, « commons » renvoie historiquement tant à la Chambre des Communes qu’aux territoires, droits et ressources de la communauté. Ce terme permet d’ancrer notre projet dans l’aire culturelle anglophone et d’orienter nos recherches dans la littérature et les arts des mondes anglophones des XIXe, XXe, et XXIe siècles selon une approche interdisciplinaire.
Ce que l’équipe souhaite mettre au travail est la question des conditions de possibilité, de production et de pratique de l’en-commun, telles qu’elles s’inscrivent dans les littératures anglophones et les arts. Dans l’après-coup des réflexions philosophiques et théoriques menées sur la communauté notamment dans les années 80 et 90 (Maurice Blanchot, La communauté inavouable, 1983 ; Jean-Luc Nancy, La communauté désoeuvrée, 1986 puis La communauté désavouée, 2014 ; Roberto Esposito, Communitas : origine et destin de la communauté, 1998), la question de l’en-commun se pose à nouveaux frais dans un monde globalisé marqué par l’instabilité politique, économique et climatique, ainsi que par l’anthropocène. L’ancrage temporel de notre groupe, s’étendant de la montée de l’industrialisation au début du XIXe siècle jusqu’aux crises contemporaines de la mondialisation, rend la pertinence d’une réflexion collective autour de ces mises en œuvre et mises en péril de l’en-commun d’autant plus aiguë.
La littérature et les arts participent à l’en-commun et la communauté en les représentant et les questionnant dans les œuvres mais également en donnant lieu à des pratiques ou des performances visant le commun et la mise en commun. Quelles sont les prémisses, les problèmes et les modalités de ces opérations et de ces discours sur la communauté ? Les pratiques créatives produisent de l’en-commun aussi bien que la réception des œuvres d’art. Le projet vise à étudier la manière dont la littérature et les arts anglophones interrogent, réalisent et protègent la fabrique du commun et de la communauté.
L’équipe 19-21 entend diviser le projet selon trois volets successifs : le premier consistera en l’examen des pratiques de l’en-commun. Il sera l’occasion d’interroger notamment les pratiques collaboratives et les livres d’artistes mais également la question de l’intertextualité aussi bien que de la langue commune et de ses déclinaisons vernaculaires dans les littératures anglophones. Il s’intéressera par ailleurs aux œuvres destinées à forger une identité ou un caractère communs, ou à forger un destin ou un imaginaire de la communauté.
Le deuxième volet s’intéressera plus précisément aux conditions et aux procédures résultant dans la reconnaissance et la circulation d’œuvres d’art et d’œuvres littéraires (institutions muséales et culturelles, création de collections, constitution de traditions critiques, nouvelles revues littéraires, travail de mémoire et pratiques commémoratives, maisons d’éditions et enjeux numériques etc.), mais également aux communautés artistiques, littéraires ou autres productrices d’œuvres (communautés d’écrivains et écritures communautaires). La question de la construction de communautés par des modalités aussi diverses que le son et le sonore, le toucher et les sens, les social media pourront être interrogées.
Le dernier volet du quinquennal portera sur les problématiques explicitement politiques de la communauté, qu’il s’agisse des tensions et des apories qu’implique la communauté (entendue comme idéal aussi bien que comme réalité politique ou dérive dystopique), mais également de la visée du bien commun, du vivre ensemble. La question de la démocratie, conçue non seulement comme régime politique mais également comme paradigme du lieu du commun, de l’homme commun et de la liberté de création et d’expression, occupera dans cette dernière scansion du projet une place particulière. La question de la biopolitique et du vivre-avec, de la communauté des régimes de vie entre humains et animaux, humains et non-humains, du rapport entre communauté et écosystème constituera le dernier temps fort du projet.