Le colloque organisé par Sarah Montin (PRISMES) et Clémentine Thollas Disset (CREW/CRAN) aura lieu les 21 et 23 juin 2018 à la Maison de la Recherche de Paris 3 (21 juin et 23 juin) et à l’École Militaire / IRSEM (22 juin).
Plus d’informations :
- Programme :
JEUDI 21 JUIN – Paris 3 Sorbonne Nouvelle, Maison de la recherche [Salle Athéna]
9h15- 9h45 Accueil de participants / Registration and coffee
9h45 Introduction (S. Montin et C. Tholas Disset)
10h-12h Sociabilité et échange/Sociability and exchange (Présidence /Chair: C. Tholas Disset)
– Yves TREMBLAY (Direction Histoire et patrimoine, Ministère de la Défense nationale, Ottawa): « L’occupation » de la Belgique par les Canadiens, 1915-1916
– Steven SCHOUTEN (University of Amsterdam): German-Jewish soldiers and their foodways at the Western Front, 1914-1918
– Franziska HEIMBURGER (Université Paris Sorbonne): ͞Très-bônne, Finish et Napou͞. Language in leisure practices between British soldiers and French civilians on the Western Front
12h -14h Déjeuner / Lunch
14h-16h Divertissement et morale des troupes / Entertainment and morale 1 (Présidence/Chair: Sébastien Le Pipec)
– Laura BOYD (University of Leeds): Rest, recuperation, return? Music and its meanings behind the lines
– Mark HAUSER (Carnegie Mellon University): Elsie Janis and what else? Entertaining American servicemen during the First World War
– Peter MARQUIS (Université de Rouen): Home away from home: les pratiques sportives des soldats américains en France pendant la Première Guerre mondiale
– Sue COLLINS (Michigan Technological University) : Smiles from home: Itinerant cinema and the Great War at the western front
16h-16h30 Pause / Break
16h30-18h Divertissement et morale des troupes / Entertainment and morale 2 (Présidence/Chair: Mark Meigs)
– Theresa BERTILOTTI (Univerity of Milano-Bicocca) : The Soldier’s theatre
– Nicolas BIANCHI (Université Paul Valéry Montpellier) :Retrouver la caserne. Scènes de cantonnement et humour troupier dans le roman testimonial, 1914-1939
– Wen SHUANG (National University of Singapore): From moral to morale: YMCA’s welfare services to Chinese and Middle Eastern labourers in WWI
18h30 Cocktail et projection du documentaire The Berry Boys / Cocktail and screening of the documentary The Berry Boys [Réal / Dir: Yvonne McKay, Animation: Tim Gibson]
VENDREDI 22 JUIN – Ecole Militaire/ IRSEM [Salle Pompadour]
9h-9h20 Accueil de participants / Registration
9h20 Introduction
9h30-11h Les ambiguïtés du repos/ The ambiguities of rest (Présidence/Chair:IRSEM)
– Maureen FIELDING (Penn State Brandywine): The Ambiguities of Rest and Relaxation for Colonial Subjects: An Indian Sepoy’s experience of WWI in Mulk Raj Anand’s Across the Black Waters
– Marco PLUVIANO [écrit avec/written with Irene GUERRINI ] (University of Genova): Soldiers’ free time: resource or threat for the Italian Army
– Denis BOUSCH (Université Paris Est Créteil): Pire que le front ? L’arrière dans les romans pacifistes allemands: A l’Ouest rien de nouveau (Erich Maria Remarque, 1929) et Éducation à Verdun (Arnold Zweig, 1935).
11h -11h30 Pause / break
11h30-12h30 CONFERENCE PLENIERE / KEYNOTE ADDRESS 1
HILARY ROBERTS (IMPERIAL WAR MUSEUMS)
HISTORY AND PRACTICE OF CONFLICT PHOTOGRAPHY
12h30-14h00 Déjeuner / Lunch
14h-15h30 Sexe, hygiène et domesticité 1 / Sex, hygiene, domesticity 1 (Présidence/ Chair: Serge Ricard)
– Emmanuel DEBRUYNE (Université Catholique de Louvain) : « Attention, les mamans / Aux satyrs Allemands ». Les soldats allemands et l’accès au corps des occupées belges et françaises, 1914-1918
– Thomas EDELMAN (University of Vienna / Museum of Military History in Vienna): Intruding into the Intimate Sphere: the Soldiers’ Sex Drive and Venereal Diseases in the Austro-Hungarian Army
– Elizabeth NOLAN (Manchester Metropolitan University): The Forbidden Zone: Male/Female Encounters Behind the Lines
15h30-16h Pause / Break
16h-17h Sexe, hygiène et domesticité 2/ Sex, hygiene, domesticity 2 (Présidence/ Chair: Karen Randell)
– Nancy MARTIN ( University of Oxford): ‘For the time being they were neither hunter’s nor hunted’: Combatant life-writing, moments of rest, and the reprisal of the domestic self
– Jessica MEYER ( University of Leeds): ‘That lovely feeling of being dry and clean’: The work of the Royal Army Medical Corps in providing provisional baths behind the lines
SAMEDI 23 JUIN – Paris 3 Sorbonne Nouvelle, Maison de la recherche [Salle Athéna]
9h-9h30 Accueil de participants / Registration and coffee
9h30-10h30 CONFERENCE PLENIERE / KEYNOTE ADDRESS 2
TIM KENDALL (University of Exeter)
“WE NONE OF US SAVVY THEIR LINGO” (JOHN ALLAN WYETH): KEEPING THE ENTENTE CORDIALE
10h30-11h Pause / Break
11h-12h30 Arrières oubliés/ Forgotten fronts (Présidence/ Chair: Sarah Montin)
– Jennifer KILGORE-CARADEC (Université de Caen): On the European Front, and behind the lines: Women writing for their lives.
– Jean Pierre NAUGRETTE (Université Paris 3 Sorbonne Nouvelle): A fragment of WWI: why is the Meissen porcelain vase which Uncle Clem retrieved near Verdun so important in Ian McEwan’s Atonement?
– Olivier BUIRETTE (Université Paris 3 Sorbonne Nouvelle): Un arrière oublié, celui du front des Balkans : derrière l’armée d’orient vue dans « Capitaine Conan » de Bertrand Tavernier.
12h30-14h Déjeuner / lunch
14h-16h Flâner à l’arrière/ Wandering behind the lines (Présidence/Chair: John Mullen)
– Tom WILLIAMS (Université d’Angers) : Sightseeing behind the front: British and German Soldiers as tourists in France and Belgium, 1914-191
– Emmanuel ROUDAUT (Science Po Lille): Musing, brooding and wandering behind the lines: Robert Briffault’s war letters, 1915-1918
– Karen RITZENHOFF (Central Connecticut State University): Combat artist Harry Everett Townsend and his sketches: Giving shape to the loss of war
– Anne MAGUIRE (King’s College) : Behind the lines: Colonial encounters with civilians in France during the First World War
16h-16h30 Conclusion / Closing remarks
- Présentation :
Que font les soldats des pays belligérants quand ils ne se battent pas? L’élargissement de la définition de l’expérience de guerre dans l’historiographie récente, a transformé notre compréhension spatiale, voire temporelle, du conflit, déplaçant la focale à distance des premières lignes et de l’activité combattante. Hors du champ de bataille et des représentations martiales traditionnelles se dessinent ainsi une autre figure du guerrier et du soldat, une expérience seconde de la guerre.
Situé à quelques kilomètres du front, l’arrière-front est le lieu où l’on ressort de l’enfouissement des tranchées après plusieurs jours passés en première ligne ou en ligne de réserve, où l’on ressurgit à la surface pour trouver des cantonnements de repos, des zones d’entraînement, des dépôts de munitions et de nourriture, des hôpitaux, des bordels, des postes de commandements ou des foyers de soldats dévolus aux moments récréatifs. Dans cet entre-deux qui n’est, traditionnellement, ni le lieu des combats ni celui de la vie civile, les soldats sont moins exposés au danger et obéissent à une routine de caserne ponctuée d’activités de détente destinées au ravitaillement moral. Si certains soldats trouvent sur l’arrière-front une forme de repos loin du bruit et de la fureur de l’artillerie, d’autres souffrent de la discipline qui y règne, des efforts inutiles imposés («l’esquinte-bonhomme ») ou de la promiscuité avec des soldats qui ne sont plus des frères d’armes dans cette zone tampon. À la fois lieu d’abandon et lieu contrôlé, l’arrière-front se confond également avec le monde civil par certains aspects car il peut occuper des fermes ou des villages et accueillir des non-combattants comme des médecins, des infirmières, des bénévoles. Ainsi à l’« arrière de l’avant » (Paul Cazin), se rencontrent en marge des batailles livrées à proximité des soldats des différents corps armés et de pays alliés, des officiers et des simples soldats, des soldats et des civils, des hommes et des femmes, des troupes étrangères et des populations locales dans les zones occupées. L’arrière-front n’est pas seulement un lieu, c’est aussi un temps : le temps d’un oubli passager ou d’une liberté illusoire, « un temps libéré » (Thierry Hardier et Jean-François Jagielski) qui représente 3/5 du temps passé au front pour le soldat. C’est un repos relatif entre les combats et la permission, un répit de courte durée avant le retour sur les premières lignes. Si le combattant est en droit de jouir d’une détente et de temps à soi, le règlement impose qu’il ne doit pas cesser un instant d’être soldat.
Certaines activités récréatives de la vie civile, en apparence peu compatibles avec l’expérience guerrière, font leur chemin jusqu’au l’arrière-front, avec l’aval du commandement militaire. Des temps de décompression et de loisir sont laissés aux troupes pour tenter de maintenir une forme de bien-être émotionnel et ne pas couper les soldats de la vie dite normale. Cette détente sert à se ressourcer tant physiquement que moralement et tente d’apporter un certaine forme de réconfort en particulier aux soldats qui ne bénéficient pas de permissions. Le temps libéré n’est pas du temps libre, le temps sans guerre n’est pourtant pas le temps de la paix.
Ces moments de vacance(s) ne constituent pas réellement du repos puisque les hommes sont occupés de manière presque continue pour combattre l’ennui (revues, exercices d’entraînement, instruction). Ils s’articulent autour de pratiques collectives comme les jeux, les activités sportives, la chasse et la pêche, les promenades, les bains, les discussions, la création de journaux de tranchées, les projections de films, les spectacles de théâtre et de chansons, les concerts, les offices religieux, mais aussi des pratiques individuelles comme la lecture, la correspondance ou la création artistique.
Entre communion avec le groupe et isolement méditatif, le vécu des soldats à l’arrière-front n’est pas le même en fonction de leur origine sociale, de leur niveau d’éducation et de leur grade militaire, et hors des tranchées on observe une rupture de l’équilibre égalitaire qui naît parfois au contact du combat. La socialisation s’organise ainsi différemment pendant les périodes d’affrontement et de récupération et n’est pas toujours vécue de manière positive par les soldats. Cependant, malgré ces tensions entre l’être-ensemble et le besoin d’isolement, les moments de vacance et les périodes d’oisiveté sont souvent représentés de manière idéalisée comme des « moments de pastorale » (Paul Fussell) dans les productions écrites et visuelles des combattants. L’interlude enchanté entre deux moments de guerre devient ainsi un trope littéraire et artistique, le contraste avec le front évoquant le retour momentané à la vie, l’innocence et l’harmonie retrouvée, la redécouverte des plaisirs du corps qui succéderait à son aliénation et son humiliation lors du combat.
Afin de comprendre les enjeux historiques, politiques et esthétiques de la vie sur l’arrière-front, de déterminer la place et le statut de ce temps de vacance longtemps analysé comme une parenthèse dans l’expérience de guerre, ce colloque interdisciplinaire nous amènera à nous interroger plus en avant sur les thèmes suivants:
La construction et l’évolution de la notion (idéologique, médicale, administrative) de “repos” du soldat ainsi que du personnel auxiliaire pendant la Première Guerre mondiale
Les différentes activités paramilitaires et récréatives ainsi que les productions créatives qui voient le jour à l’arrière-front; l’organisation de la vie à l’arrière-front et en particulier du divertissement, le rôle de l’armée et des intervenants extérieurs (associations de civils, particuliers, etc.)
les relations entre combattants (hiérarchies, tensions, camaraderie) sur l’arrière-front; l’arrière-front comme lieu de sociabilité et zone de rencontre avec l’autre (soldats/personnels auxiliaires, combattants/habitants, hommes/femmes, troupes étrangères, etc), lieu de passage, d’exploration, d’initiation, ou de retour à la “normale” (“cabanes de repos” destinés à reconstruire un “foyer loin du foyer”, etc.) ; témoignages des habitants des zones occupées
Les articulations et dissonances entre la vie communautaire et le temps à soi, l’expérience collective et l’expérience individuelle
La conceptualisation historique et artistique de l’espace de l’arrière-front; les modes d’écriture et pratiques artistiques spécifiques à l’arrière-front par contraste à l’écriture du front
Les représentations de la vie à l’arrière-front: paysages de campagne, mises en scène idylliques du non-combat et du farniente ou images infernales, partie de campagne ou univers carcéral, figure du soldat dilettante, flâneur et promeneur solitaire, de l’observateur, dans les productions de guerre (témoignages, correspondances, mémoires, romans, poésie, arts visuels, etc.) des combattants et des non-combattants (infirmières, médecins, etc.) ;
La (re)construction médiatique, culturelle et politique du « repos du guerrier », les représentations du corps masculin et du corps féminin au repos, la construction d’un nouveau modèle de masculinité (sexualité et sport) dans les photographies de guerre, cartes postales, chansons, etc., ainsi que leur place dans la production de guerre